Sur le fondement de la loi 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19, le gouvernement a été habilité à légiférer par ordonnance de manière très large. Parmi les 25 ordonnances publiées le 25 mars, plusieurs intéressent au premier chef le fonctionnement de l’administration et le contentieux administratif. Cette note n’a pas vocation à être exhaustive, elle apporte simplement quelques informations concrètes et pratiques.

Bureau de Maitre Michel Loussouarn, avocat au barreau de Lorient

I- L’aménagement des délais administratifs

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période touche un nombre important de procédures administratives et judiciaires.

Il faut retenir notamment que toute formalité ou démarche vis-à-vis d’une administration qui aurait dû être accomplie en vertu de la loi ou du règlement pendant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence pourra encore être accomplie, à compter de la fin de cette période, dans le délai légalement imparti pour agir et dans la limite de deux mois. Tel est par exemple, l’introduction d’un recours gracieux contre une décision administrative qui aurait dû être exercée pendant l’état d’urgence sanitaire pour respecter le délai de droit commun de 2 mois. L’administré disposera encore de trois mois pour exercer ce recours à compter de la date de la fin de l’état d’urgence.

De plus, les décisions administratives dont la validité devait expirer entre le 12 mars 2020 et le mois qui suit la fin de l’état d’urgence sont prorogées d’une durée de deux mois à compter de la fin de cette période. Par exemple, les permis de construire ou les arrêtés de non-opposition à travaux déjà attribués et dont la validité devait expirer pendant l’état d’urgence voient leurs effets prolonger.

Enfin, l’ordonnance prévoit une suspension générale des délais qui s’imposent à l’administration pour répondre aux demandes des administrés. Ces délais reprendront un mois après la fin de l’état de l’urgence sanitaire. Il faut néanmoins distinguer deux cas de figure :

  • Le délai nécessaire à l’instruction des demandes adressées à l’administration avant le 12 mars 2020 (par exemple, les demandes de permis de construire, les déclarations préalables de travaux) ne recommencera à courir qu’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire (ex : pour une demande déposée début février, la commune bénéficiera donc encore d’une quinzaine de jours à compter de la reprise du délai pour se prononcer). Aucune décision implicite ne peut naître du silence de l’administration pendant cette période.
  • Concernant les demandes qui seraient adressées après le 12 mars 2020, pendant l’état d’urgence sanitaire, le délai d’instruction ne commencera à courir qu’à compter du mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.

 

Toutefois, l’ordonnance autorise le gouvernement à déterminer par décret des actes ou des procédures pour lesquels le cours du délai pourrait reprendre.

  

II- Le (quasi) confinement du contentieux administratif

Si dans un premier temps, les juridictions ont suspendu toutes les audiences programmées, l’ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif prévoit néanmoins que celles-ci peuvent se tenir à l’initiative du président de la formation de jugement sans public ou avec un public limité. Cependant, l’instruction des litiges dont la date de clôture était fixée après le 12 mars est prorogée jusqu’à un mois après la cessation dudit état d’urgence (ou plus si la juridiction le décide). Cette disposition rallonge donc les procédures en cours.

Dès lors, il se déduit que les juridictions inscriront probablement aux rôles des audiences des affaires – outre des référés – dont l’instruction était déjà clôturée au 12 mars en tenant compte de l’enjeu du litige, de l’ancienneté de la requête, de l’urgence relative et de l’évolution de l’état sanitaire global.

Pour limiter les risques, le texte autorise la tenue d’audiences « dématérialisées » en privilégiant la visioconférence, et autorisant également les communications électroniques, voire téléphoniques (!).

Le formalisme du contradictoire qui impose que tout mémoire ou acte soit transmis aux parties par le greffe grâce à l’application Télérecours est assoupli puisque le texte prévoit que la communication de ces documents peut s’accomplir par tout moyen dans les cirsconstances du moment. L’ordonnance permet également au président de dispenser le rapporteur public de présenter ses conclusions.

Enfin, les procédures de référé peuvent être dispensées d’audience à condition d’en informer les parties et de fixer une date de clôture d’instruction préalable.